Les irresponsables

Qui a porté Hitler au pouvoir ?
Johann Chapoutot
Gallimard, nrf essais, 2025

Quatrième de couverture

Un consortium libéral-autoritaire,tissé de solidarités d'affaires, de partis conservateurs, nationalistes et libéraux, de médias réactionnaires et d'élites traditionnelles, perd tout soutien populaire : au fil des élections, il passe de presque 50 % à moins de 10 % des voix et se demande comment garder le pouvoir sans majorité, sans parlement, voire sans démocratie. Cet extrême centre se pense destiné à gouverner par nature : sa politique est la meilleure et portera bientôt ses fruits. Quand les forces de répression avertissent qu'elles ne pourront faire face à un soulèvement généralisé, le pouvoir, qui ne repose sur aucune base électorale, décide de faire alliance avec l'extrême droite, avec laquelle il partage au fond à peu près tout, et de l'installer au sommet.
Personnages
I. L'austérité au pouvoir et les « réformes » : la saignée du Dr. Brüning, p. 42
La confusion entre le budget d'un ménage et celui de l'État, qui ne sera dissipée qu'avec la naissance de la macroéconomie contemporaine autour de Keynes, est le cadre, voire le carcan, de toute politique économique qui, avant la Seconde Guerre mondiale, se réduit le plus souvent à une vision assez élémentaire, sinon primaire, des finances publiques, insensible au caractère dynamique du déficit public et à son effet multiplicateur.

p. 49 [Mémoires de Brüning]
« Pour [Hitler], le principe directeur était : d'abord le pouvoir, ensuite la politique ».

p. 52
Adolf Hitler n'acquiert la citoyenneté allemande que le 26 février 1932.

II. Un régime présidentiel : hyperpersonnalisation et règne des entourages
III. Le magnat des médias et l'union des droites, p. 85
Alfred Hugenberg est bien « le Führer oublié » de l'Allemagne des années 1928-1932.

p. 92
Un des amis d'Hugenberg, le philosophe Oswald Spengler, a décrit le fonctionnement de cette presse dans son Déclin de l'Occident : « Qu'est-ce que la vérité ? Pour la foule, c'est ce qu'elle lit et ce qu'elle entend... »

IV. Anatomie d'une chute ministérielle, p. 110
[Plan de Schleicher] : dissoudre pour complaire aux nazis, et conjecturer qu'ils ne sortiront pas trop renforcés des législatives. [...] Brüning « gicle » le lundi 30 mai.
V. Un gouvernement hors-sol : le « cabinet des barons » p. 123
[Journal satirique Simplissimus] « Ces slogans politiques sont ridicules ! L'ennemi est à droite ! L'ennemi est à gauche ! Allons, allons ! Pour un gouvernement aristocratique au-dessus des partis, il n'y a qu'une vérité : l'ennemi est en bas ! »

pp. 143-144
Le 31 juillet, les nazis obtiennent 37,3 % des voix, soit un gain de 19 points par rapport au précédent scrutin de septembre 1930 qui double leur score et leur nombre de sièges, qui passe de 107 à 230 —ce qui fait du NSDAP le plus grand groupe parlementaire, très loin devant le SPD, second avec 133 députés et 21,6 % des voix.
Les législatives marquent une défaite terrible pour le gouvernement Papen : la gauche « marxiste » se maintient (le SPD a perdu 2,9 points, le KPD en a gagné 1,2), de même que le Zentrum. La base électorale du gouvernement est de 9 % soit environ 50 sièges. Les partis de la droite bourgeoise ou du centre bourgeois qui représentaient environ 50 % des voix en 1928 sont tombés en-dessous de 25 %.

VI. Le « nouvel État » des libéraux autoritaires : pour l'entreprise, contre la démocratie
VII. « Mais vous comptez gouverner comment ? » p. 165
Goebbels compare les résultats des législatives du 31 juillet [1932] avec ceux de la présidentielle des 13 mars et 10 avril. Au second tour de la présidentielle, avec un taux de participation de 83,5 %, ce sont 36,8 % des voix qui se sont portées sur le nom d'Hitler, soit 13,418 millions de bulletins. Le 31 juillet, avec un taux de participation de 84 %, ce sont 13,7 millions d'électeurs qui votent NSDAP : un gain de 282 000 voix et de 0,5 point. Une vétille, donc.

p. 166
Goebbels et la hiérarchie du NSDAP ont conscience que le plafond est atteint.

p. 186
[12 septembre] Hitler donne [à Goering, président du Reichstag] la consigne de renverser le gouvernement. [...] Papen envoie quérir l'ordonnance de dissolution du Reichstag [et la remet au président, qui] contrairement au règlement, omet de donner la parole au chancelier. Goering fait procéder au vote. Le résultat est une défaite inédite pour Papen, renversé par 512 voix contre 42, 92,5 % des députés.
Le débat sur la légalité du vote et sur sa validité est immédiat : le Parlement a été dissous ipso facto et le gouvernement ne peut avoir été légalement renversé.

VIII. Les forcenés. Rester au pouvoir malgré tout, p. 200
Les élections législatives du 6 novembre sont un revers cinglant pour les nazis, car elles mettent fin à une série ininterrompue de succès nationaux qui, depuis 1928, laissaient accroire que leur ascension était irrésistible. [...] Si le NSDAP reste le premier parti d'Allemagne, il perd la bagatelle de deux millions d'électeurs, soit 4 points (à 33 %) et 34 sièges de députés.

p. 205
Le cabinet Papen démissionne le 16 novembre

p. 206
Devant l'intransigeance d'Hitler [qui refuse un rôle de suppléant], Hindenburg décide le 26 novembre de reconduire le chancelier Papen.

p. 207
[Le 3 décembre] Schleicher est nommé chancelier.

IX. Libéralisme autoritaire, patronat, nazisme
X. Éviter Hitler. La tentative Schleicher, p. 244
En rupture avec l'austérité de Brüning comme avec la politique de l'offre de Papen, Schleicher annonce « une certaine détente sur le front du droit social ».

p. 207
[30 janvier 1933] À 11 h 30, un nouveau chancelier de bientôt 44 ans, citoyen allemand depuis moins d'un an, prête serment.


To Hell and Back,
Histoire